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Pour cette première immersion au milieu des géants de l’Himalaya, nous avons choisi de faire le tour des Annapurnas. Le choix a été difficile car ce n’est pas les treks qui manquent au Népal et on a hésité jusqu’à la dernière minute. Maintenanton peut le dire, si c’était à refaireon en ferai un autre, et on va vous raconter pourquoi. 

Déjà pourquoi ce trek en particulier ? Avant tout car c’est un des plus renommé du Népal, voir même du monde. Il ressort en permanence dans le top 10 des plus beaux treks au monde, difficile pour nous d’en être si proche et de passer à côté. En plus son organisation est simplissime : accessible en bus depuis Katmandou, il peut se réaliser sans guide, sans tente, sans nourriture. C’est ce qu’on appelle au Nepal un « tea house trek ». Il est parsemé de petits villages où on trouve logements et nourriture à profusion. Enfin il correspondait en durée à ce que l’on voulait faire : une quinzaine de jours. 

Mais pourquoi cette hésitation s’il cochait toutes les cases ?  Ce trek a malheureusement beaucoup changé ces 10 dernières années avec la construction d’une route qui parcourt quasiment la totalité du trek (sauf une petite portion de Manang à Muktinath correspondant à 2/3 jours de marche). Autant vous dire que marcher sur la route ne nous faisait pas particulièrement rêver. Mais après avoir demandé des avis à droite et à gauche, on nous a rassuré sur des chemins annexes permettant d’éviter en partie cette route sur la première partie du trek, entre Bhulbhule et Manang. On nous avait prévenu par contre qu’après Muktinath, mieux valait prendre le bus car ce n’était plus une partie de plaisir. Le Lonely planet conseillait même de commencer à Chame soit 2 jours avant Manang. Autant vous dire que le trek dans ce cas était sérieusement raccourci : passant de 15 à 5 jours… 

L’autre trek qui nous donnait envi était le camp de base de l’Everest et les lacs du Gyoko. Il était bien plus compliqué à organiser car il nécessitait de prendre un avion, un des plus dangereux au monde (il y a beaucoup d’accidents car la piste est très courte et souvent dans les nuages), et qui a de bonnes chances de ne pas décoller en cas de mauvais temps. Le seul moyen de l’éviter était de marcher 1 semaine de plus, temps dont nous ne disposions pas (nous avions choisi un visa de 30 jours). Il est aussi rarement parcouru sans guide. Ne connaissant pas encore le Népal et l’Himalaya, on a préféré jouer la sécurité et on a opté pour le tour raccourci des Annapurnas en se disant que l’on pourrait y ajouter le sanctuaire des Annapurnas, menant jusqu’au camp de base, si l’on restait sur notre faim. 

Malheureusement rien ne s’est passé comme prévu… 

Si vous suivez un peu nos aventures, la dernière fois que l’on s’est quittés, on était pas au mieux de notre forme : rhume, nausées, vomissements, diarrhées, fièvre, bof pour une veille de trek. On se sentait suffisamment en forme le lendemain (comprenez, on pouvait tenir plusieurs heures sans toilettes) pour supporter les 10h de trajet qui nous conduisait au début de notre aventure. On voyait ça d’ailleurs comme une journée de repos supplémentaire. Je ne sais pas à quel moment faire10h de minibus ballotés sur des routes défoncées, serrés les uns contre les autres, pour faire seulement 200km, nous a paru reposant, mais soit, on l’a fait. 

Le plus difficile a été de choisir où débuter la randonnée. Au début on était presque motivés de prendre une jeep jusqu’à Chame, en suivant les conseils du Lonely, mais finalement on a pris le bus public jusqu’au bout, à Nadi. Je pense qu’on avait peur de manquer une belle partie du trek et de rester sur notre faim et on a cru en ceux qui nous disaient qu’on pourrait éviter la route. Mais si c’était à refaire, on conseillerai de commencer à Chame. 

En tout cas cette première nuit à Nadi avant de commencer notre rando à proprement parler a été carrément flippante. En pleine nuit, vers 3h du matin, une sirène assourdissante a retenti. Vous savez de celles qui sonne si fort et si longtemps pour vous prévenir qu’un danger est éminent et qu’il faut fuir ? On s’est bien demandé ce qui se passait : coulée de boue ?  Glissement de terrain ?  Tremblement de terre ?  Fuir, oui, mais où ?  Comment ? Dans ces cas-là on fait nos moutons avec Christophe et là, force était de constater que l’on n’entendait aucun cri ni bruit de fuite. On a donc gentiment patienté et on a fini par se dire que si les habitants restaient là c’est qu’ils devaient avoir l’habitude et qu’il n’y avait pas de danger. Un peu dur de se rendormir après ça ! On pense que c’était une sirène pour prévenir les ouvriers qui bossaient dans la rivière qu’il y allait avoir un lâcher d’eau du barrage (oui à 3h du mat ! ). 

Mais passons sur cette grosse frayeur et rentrons enfin dans le vif du sujet : notre rando ! 

La première journée de marche, de Nadi (900m) à Chamje(1400m) était pas si mal : nous suivions une route mais peu fréquentée, qui serpentait au milieu des cultures en terrasse, de villages en villages. C’était pour nous que des découvertes : les ponts suspendus au dessus des rivières, les rizières, le sourire des habitants, la nourriture népalaise,…. 

Le lendemain,  la portion reliant Chamje à Timang ( 2500m) était nettement moins agréable, à marcher la plupart de la journée sur la route, recouverts de la poussière dégagée par les jeep, les motos et les tracteurs en se faisant klaxonner à tout bout de champs. Bien loin de l’expérience que l’on recherche en rando. On a bien repéré les itinéraires bis nous permettant d’éviter la route mais des portions entières du chemin étaient effondrées et il était dangereux de les emprunter car la plupart du temps rien n’était signalé. 

Et puis il faut dire que l’on n’était pas au meilleur de notre forme. Christophe commençait à réussir à reprendre des forces mais ça faisait plusieurs jours que j’avais des difficultés à me nourrir et marcher sans énergie n’était clairement pas le même plaisir. Et malgré tout on avait beaucoup de difficultés à se raisonner et à ralentir notre rythme : on marchait plus de 20km par jour pour 1000 à 1500m de dénivelé positif. 

On a donc décidé d’arrêter notre rando vers 14h le 3eme jour pour reprendre des forces. Comme on commence tôt on avait déjà marché 20 km et monter 1000m quand on est arrivés à Dikhur Pokhairi (3000m) mais au moins on avait tout l’aprem pour se reposer. Bien qu’on avait marché encore une bonne partie de la journée sur la route, les paysages devenaient de plus en plus jolis et on commençait à apprécier notre randonnée. 

Mais la plus belle journée était sans conteste la 4eme, celle qui nous mènerait à Braka (3500m). Nous découvrions enfin ce que nous étions venus chercher : les sommets des Annapurnas frôlant les 8000m, la neige, l’altitude, les petits villages beaucoup plus authentiques, des monastères perdus dans les montagnes, les troupeaux de yak broutant au bord de la rivière. C’était magnifique. On a même assisté à une énorme avalanche au sommet de l’Annapurna 2, à la fois terrifiant et impressionnant. 

Malheureusement ça s’est de nouveau gâté ensuite. La témérité de Christophe à vouloir goûter un steak de yak a été récompensée par une tourista carabinée touchant un système digestif déjà bien affaibli. Et par solidarité j’ai subi un effet secondaire rare du Diamox, le traitement préventif du mal des montagnes, rendant mon corps entier engourdi et plein de fourmillements. Nous sommes donc restés une journée à l’hôtel le temps de récupérer. Pour moi c’était suffisant mais pour Christophe ça a marqué la fin du plaisir pour cette randonnée. 

On a dû renoncer à un joli détour, le Tilicho lake, et malheureusement les jours suivants, qui nous on menés à Yak Karta (4000 m) et Phedi (4500m), ont été parcourus dans la douleur pour Christophe complètement affaibli par sa maladie. Et comme le corps fini toujours par avoir raison, il nous a obligé à une nouvelle journée de repos à Phedi, impossible de gravir les 1000m de plus jusqu’à la passe située à 5400m d’altitude. A ces altitudes-là mieux vaut patienter que jouer avec le feu. 

On a fini par grimper cette fameuse passe, marquant l’aboutissement de notre rando. Le moment était magique à cette altitude à côtoyer les sommets encore plus hauts. On a ensuite pris un bus jusqu’à Tatopani, dans l’espoir de continuer 2 jours de plus en direction de Poon Hill, un point de vue bien connu sur les Annapurnas. Mais encore une fois nos corps on eu raison de nous et cette fois ce sont des ampoules infectées qui nous ont obligées à renoncer. Ce trek aura au moins eu le mérite de bien m’alléger côté médicaments et pansements, on a quasiment utilisé tout le stock emporté depuis la France. Et heureusement que l’on avait ça car on s’est vite rendus compte qu’ici les possibilités de soins étaient extrêmement limitées. 

En conclusion ce trek a été vraiment frustrant pour nous. Frustrant de ne pas pouvoir le vivre en pleine forme, de marcher affaiblis ou de subir des journées de repos forcé. Frustrant de marcher sur cette route poussiéreuse, loin de l’immersion en pleine nature que l’on affectionne tant. Frustrant de n’avoir marché qu’une semaine au lieu des 2 ou 3 que l’on avait imaginées. Même si on ne pouvait pas prévoir de tomber malades, on s’était bien doutés qu’il y avait des aspects de ce trek qui ne nous conviendraient pas et on aurait dû écouter notre instinct. On avait peur de passer à côté de paysages exceptionnels et bien qu’il y ait eu quelques très beaux moments, ça n’a pas été un coup de cœur. En tout cas ça nous a permis d’encore mieux nous connaître et de savoir ce que l’on préfère le plus en randonnée : la communion avec la nature. Autant vous dire que le concept du « tea house trek » n’est peut-être pas pour nous.