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Alausi est une petite ville perdue au milieu de la montagne qui est connue pour deux choses : son train et le chemin des Incas. 

El Nariz del Diablo, la ligne ferroviaire qui relie Alausi à Riobamba est connue comme un des plus beaux trajet de train au monde. Malheureusement les seuls qui l’empruntent aujourd’hui sont des touristes fortunés lors d’un trajet aller-retour à la journée, à bord de trains panoramiques. Les trains d’époque et la belle gare n’en restent pas moins pleins de charmes. 

Ce qui nous emmenait par ici, vous l’aviez deviné c’était bien-sûr la rando : le chemin des Incas. C’est en fait une portion équatoriale de la fameuse route qui reliait Quito à Cuzco au Pérou. On se réjouissait de partir à pied, pendant 3 jours et une quarantaine de kilomètres, sur les traces de cette civilisation fascinante. 

En fait le vrai départ se faisait à Achupallas, un village de fermiers perché à 3600 m d’altitude. Après nous être déchargés d’une partie de nos affaires (les palmes sur le coup on y avait pas vu l’intérêt, si on avait su ! ), nous avons pris un taxi pour rejoindre notre destination perdue dans les nuages. 

A peine avoir gagné le sentier de rando, la couleur était annoncée : c’était un chemin de boue. On savait que les chemins étaient plutôt boueux dans la région, on espérait que ça s’améliorerait… on aurait pourtant dû se dire en voyant chaque habitant, du vieillard à l’enfant, chaussé de bottes, que ça ne présageait rien de bon.

Pourtant au fur et à mesure que nous grimpions au dessus des nuages d’altitude, le chemin se faisait plus sec et sa configuration, percé à flan de montagne, nous rappelait la petite portion que nous avions emprunté au Perou 5 ans auparavant. Une magnifique vallée andine perchée à 4000m d’altitude s’offrait à nous.

 On peut dire que c’était le meilleur moment de la rando (sauf peut-être avec l’arrivée !), ça faisait 5 km que l’on marchait. 

En fait ce n’était pas vraiment une magnifique vallée, mais plutôt un magnifique marrais. Le chemin avait laissé sa place à tantôt une marre de boue, parfois profonde de plus de 1m (si si nos bâtons s’enfonçaient aussi profond ! ), tantôt à des ruisseaux, où il nous était très difficile de progresser. On devait sans arrêt sautiller, zigzaguer, remonter, redescendre, se frayer un chemin dans les fourrés pour avancer. Si vous ajoutez à ça le mal de tête, la nausée et le souffle court qui va de paire avec l’altitude, c’était épuisant. Très vite, nos chaussures censées être étanches ont révélées leurs faiblesses. Déjà usées par des centaines de kilomètres, l’eau glacée rentrait facilement par les trous mais ne trouvait pas de chemin pour ressortir. Nous avions donc en permanence un pediluve portable à chaque pied, ça tombe bien il paraît que la boue a des vertus pour la santé. Enfin la notre était en fait un mélange de terre, de bouses de vaches et de crotins de chevaux, je ne sais pas si c’était aussi efficace. 

8 km après avoir commencé la rando, on était déjà à bout de forces et on s’est sérieusement demandés si on n’allait pas faire demi-tour, mais c’est mal nous connaître. On a marché 15km ce jour-là, jusqu’à ce que la pluie nous contraigne à nous arrêter. On n’avait plus qu’une idée en tête : finir cette rando le plus vite possible. Et pourtant on était loin de notre rythme habituel oscillant entre 4 à 5km/h, on progressait plutôt péniblement autour de 2.5km/h. Pas étonnant, on zigzagait tellement qu’on a dû faire au moins 3 fois la distance.

On a bivouaqué sur la crête entre les deux vallées, à 4400m d’altitude. L’endroit était un peu plus sec et on a espéré très fort qu’on avait passé le plus dur. Mais le pire était devant nous. Au petit matin la vue époustouflante, dont nous avions été privés la veille à cause des nuages, compensait un peu le froid rendu plus pénétrant par nos vêtements et chaussures trempés. 

Après avoir redescendu dans la vallée suivante on s’est vite rendu compte qu’il n’y avait plus de chemin mais un marais traversé par une multitude de ruisseaux rejoignant une rivière plus importante. Le pont qui devait nous faire traverser les eaux tumultueuses de la rivière avait été emporté il y a longtemps. C’est sous les yeux amusés des vaches et des taureaux que l’on a perdu un temps fou à patauger dans la bou(s)e pour réussir à trouver un endroit pour traverser à gué.

La suite n’a été que succession de marais, ruisseaux, boue où on essayait de ne pas s’enfoncer trop profond pour ne pas rester coincé. Ça faisait longtemps que l’on avait oublié l’idée d’avoir les pieds secs. 

Pour ne rien vous cacher ça a été une des rando les plus difficiles moralement que l’on ait vécu. La lente progression, les symptômes du mal d’altitude, dont surtout l’extrême fatigue, le froid, l’humidité, les nuages masquant une partie du paysage, ont bien entamés notre résistance. Mais on y est arrivés. On était d’ailleurs tellement motivés à sortir de ce cauchemar au plus vite que l’on est arrivés à 15h15 le 2ème jour. On était si épuisés que l’on a à peine jeté un coup d’œil aux ruine incas d’Ingapirca, pourtant le point d’orgues de cette rando. On a réussi à attraper un bus pour rentrer à Alausi le soir même. Et heureusement. 

De retour à la civilisation, et surtout à la connexion, nous avons découvert que l’Equateur venait de changer ses conditions d’entrée aux Galaoagos. Il fallait maintenant, en plus du vaccin contre le Covid, présenter un test PCR de moins de 72h. Notre vol pour les Galapagos partait moins de 60h plus tard et il n’y avait pas de labo assermenté à Alausi. Il nous restait donc très peu de temps pour rejoindre Guayaquil, ville où partent les avions pour les Galapagos, trouver un labo, se faire gratouiller le nez et avoir nos résultats à temps. Si nous étions rentrés le lendemain comme prévu, ça aurait été mission quasi impossible